INTERVIEW – « Sortir les jeunes de là où ils sont et les emmener ailleurs ». Rencontre avec Hassan El Houlali le fondateur de l’association.
Par Rédaction SurfSession – surfsessionmag / aout 2020
Loin des plages, de l’odeur de wax et des dunes de sable se trouvent les grandes villes et leurs banlieues. Tellement loin que certains n’ont jamais vu de vagues de leurs propres yeux. Le bitume et les vagues sont dans la croyance collective deux mondes diamétralement opposés. Le cliché n’est jamais bon bien qu’il semble parfois évident, puisque lorsque l’on creuse on est souvent surpris.
Hassan El Houlali a fait fi de ces barrières invisibles pour rallier les quartiers populaires puis les zones rurales avec l’environment et l’océan en utilisant le surf comme vitrine. Ce projet se concrétise dans Surf Insertion, association qui a pour but d’aider les jeunes. On vous la présente à travers une discussion avec le créateur de ce vecteur environnemental et social pour la jeunesse en Nouvelle-Aquitaine.
Hassan : du Maroc à la création de Surf Insertion
« Je suis un natif d’Essaouira et je suis venu en France pour faire des études. »
Après avoir grandi sur le littoral marocain, Hassan s’est donc rendu en France pour s’assoir sur les bancs de l’université de Bordeaux. Pendant ses études, il intègre des associations de droits civiques qui lui permettrons de faire un tour d’Europe et de « voir beaucoup de quartiers où les jeunes rouillent et où on y retrouve toujours les mêmes sports comme le foot. »
Au cours de ses études, Hassan découvre dans le même temps « le littoral magnifique » aquitain et le surf. Une idée germe alors, et éclot un soir lorsque Hassan rencontre Francis Distinguin, à l’époque directeur technique de la Fédération française de surf. Ils échangent sur leurs expériences et, au cours de la discussion, Hassan lui explique :
« Tu es dans le milieu du surf et moi dans les problématiques d’insertion et de lien social. Chiche on créer une asso’ pour sortir les jeunes bordelais en les amenant à l’océan. »
De ce pari né Surf Insertion en 1997.
Surf Insertion pour briser les barrières sociales et les clichés
« Les clichés du surf disent que c’est un sport de bourges et élitiste alors que non. Le surf est accessible à toute personne mais il faut être à côté de l’eau. »
Le stéréotype du surfeur blond qui habite au bord de l’eau et qui vit bien peut encore surprendre ceux qui baignent dans le milieu. Mais lorsque l’on se place depuis le prisme extérieur du monde du surf, il continue d’exister. D’autant plus qu’en 1997, le surf n’est pas démocratisé comme aujourd’hui, surtout quand on s’éloignait du littoral.
« Dans les banlieues, le sport est un produit culturel, social et économique. » Le sport est prégnant dans les cités et Hassan souhaite s’en servir pour éduquer des jeunes afin qu’ils ne se cantonnent pas à leur vie dans le quartier.
« Je ne veux pas faire des champions du monde ni de la performance mais je l’ai fait pour l’épanouissement personnel. » Son association n’est pas un club de surf où les jeunes sont formés pour devenir des athlètes, loin de là. « Le surf et les sports de vagues sont là pour le plaisir des jeunes. »
Surf Insertion fait donc le lien entre les jeunes de banlieues mais aussi des zones rurales, et l’océan. « Sortir les jeunes de là où ils sont et les emmener ailleurs. La mer a tout de suite intégré ce projet avec toutes les valeurs qui en émanent. On vise les rats des villes et les rats des champs ». Hassan explique sur le ton de la dérision que l’association s’oriente vers des milieux modestes ou exclus du monde surf donc en travaillant avec des collèges, des lycées et des centres d’animation, mais aussi des prisons et des centres de jeunes autistes ou dans une situation de handicap.
« Surf insertion est née de cette problématique : casser l’image du surf et pourquoi ne pas faire surfer les gens qui ne vont jamais à l’océan et qui n’ont jamais vu une planche de leur vie ».
Facebook Surf Insertion
« Une école de la vie et éco-citoyenne »
« Le surf est un des rares sports où l’environnement est totalement imbriqué dans la
pratique. »
Le choix du surf n’est pas anodin pour Hassan. « Le surf et l’océan sont une école de la vie et de l’humilité (…) Pour surfer, il faut passer 90% du temps à ramer, c’est une école de l’humilité. On apprend aux jeunes qu’on ne peut pas tricher avec la nature. Il faut certaines règles avec lesquelles on ne peut pas jouer. Ils le comprennent rapidement en découvrant un milieu qu’ils ne connaissent pas. Ils viennent d’un milieu vertical, ils habitent dans des immeubles et se retrouvent dans un milieu horizontal. Ils ne savent parfois même pas nager. Notre travail c’est une découverte de l’océan en apprenant à prendre des décisions dans un élément qui est en perpétuel changement. »
Le temps passé sur la planche permet aux novices d’appréhender un peu mieux le géant bleu et de s’apercevoir qu’il est plus fort qu’eux. « Pour que les gens puissent respecter
quelque chose ils doivent comprendre de quoi il s’agit ».
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Hassan insiste sur l’importance de pratiquer un environnement pour pouvoir le respecter puis apprendre à le connaître, agir en son sein pour s’y épanouir. « Le surf est là juste pour le plaisir mais l’adage de Surf Insertion c’est tu prends de la vague, puis tu donnes à la nature. » Surf Insertion ne se limite pas qu’à emmener les jeunes à l’eau mais se centre essentiellement sur une approche écologique et environnementale.
« La démarche est beaucoup plus écologique mais on en parle rarement. » Hassan regrette quand on limite son association seulement à la pratique du surf. Il la compare avec Surfriders qui agit pour une amélioration du traitement écologique des plages, en se positionnant comme une école éco-citoyenne pour les jeunes.
« Quand on emmène des jeunes surfer, on traverse des milieux. On se sert des sports de vagues pour faire découvrir les milieux naturels. Ca m’emmerde les gens qui foncent avec leur voiture sans regarder autour. » Le fondateur de Surf Insertion appuie son
action sur l’apprentissage de l’écosystème du littoral aquitain et sur la compréhension de sa fragilité. Et cet apprentissage, Hassan l’oriente à sa manière.
Pour sensibiliser les jeunes, il ne se sert pas de discours fatalistes mais essaye de rendre les séances de découvertes aussi efficaces qu’attrayantes pour la jeunesse. « Il faut insuffler une conscience écologique. Il y a trop d’associations qui ont fait une éco- citoyenneté de la culpabilité. Mais pour faire les choses d’une manière importante, il faut rendre ça accessible par l’humour en allant sur le terrain, en découvrant les dunes, les forêts. Au quotidien c’est l’émerveillement de l’apprentissage. Donc on propose des ateliers ludiques autour du littoral. » La formation des jeunes aux gestes éco-citoyens et les responsabiliser face aux dangers qui menacent le littoral font partie des piliers de Surf Insertion.
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Une journée avec Surf Insertion se sépare en deux.
Surf le matin et actions environnementales l’après midi. « Un cours de surf c’est presque 50 euros. Nous on demande 8 euros. Mais si tu surfes le matin tu fais une action environnementale l’après midi. » L’association invite donc les participants à participer à
des chantiers comme la rénovation de pistes cyclables, à la création d’éco-bassins, des ballades en forêt ou à rencontrer des acteurs du littoral pour partager leurs expériences.
Au printemps, des groupes sont formés pour nettoyer les rivières ainsi que l’océan pollués après les tempêtes d’hiver.Hassanexplique que tout secteur d’activité ou association qui est basé sur le littoral et qui se montre volontaire pour apprendre aux jeunes est le bienvenu. Il est important de préciser que les cours de surf dans des clubs de surf et les actions de Surf Insertion s’étalent sur toute l’année et pas seulement pendant les beaux jours.
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Cet acteur social, environnemental et aussi économique avec sa participation engagée dans l’économie locale du littoral accueille 2 500 jeunes par an. On retrouve 85% d’Aquitains mais l’association ne se limite pas aux jeunes de la région Nouvelle-
Aquitaine. Surf Insertion arrive à attirer un public féminin, 40% des personnes qui intègrent les excursions de l’asso’ sont des filles. Les portes sont donc ouvertes à toutes et à tous pour découvrir et s’impliquer dans et pour l’éco-système du littoral. Surf Insertion agit « d’Hendaye à Royan ».
On ne peut que saluer l’implication d’Hassan et de Surf Insertion qui, après 20 ans, continue de s’investir dans les luttes sociales et environnementales. Une association qui milite pour le simple épanouissement dans la nature et par le surf en comparaison avec la recherche de performance que demande ce sport si exigeant, fait plaisir à voir.